La reine du TGV au chevet des hôpitaux de Paris
Nous vous en parlions il y a une semaine, Mireille Faugère, ex-numéro 2 de la SNCF, prend la tête de l'AP-HP au moment où est mis en œuvre un vaste plan de réorganisation.
Benoît Leclercq, directeur général de l'AP-HP sortant
Rose-Marie Van Lerberghe, ancienne directrice, actuellement à la tête du Groupe Korian
Mireille Faugère, nouvelle Directrice Générale de l'AP-HP.
Par Eric Favereau
Après des semaines de tergiversations, d'intox et de rumeurs, le plus grand «hôpital» d'Europe va avoir un nouveau «patron». Mireille Faugère, ancienne numéro 2 de la SNCF doit être nommée aujourd'hui en conseil des ministres à la tête de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP), en remplacement de Benoît Leclercq.
Un choix hautement symbolique : la reine des TGV à la tête des hôpitaux de Paris. Mais aussi un sacré pari. «Diriger l'AP-HP, aujourd'hui, en pleine restructuration ? Le poste est impossible. Je n'ai aucune envie de faire une crise cardiaque», nous disait récemment Gérard Vincent, délégué général de la Fédération hospitalière de France. Mireille Faugère a, en tout cas, un profil original pour diriger ce «bijou» de la République. 53 ans, diplômée d'HEC, option «service public», elle a fait toute sa carrière à la SNCF où elle a porté le projet TGV avant de devenir directrice générale. Une carrière saluée par tous, y compris par les syndicats. A l'époque, Mireille Faugère se caractérisait ainsi : «Je suis une manageuse, c'est cela que j'aime : porter des projets, les conduire.» Et elle ajoutait : «J'aime le service public.» La santé, les hôpitaux ? Elle ne connaît pas. Selon ses proches, quittant la SNCF avec l'arrivée du nouveau président, elle avait souhaité travailler «dans le monde de la santé». Depuis trois mois qu'elle est pressentie pour ce poste, elle ne chôme pas. Se renseigne, multiplie les contacts. «C'est un très bon choix. Une femme, sans passé dans la santé, et qui a porté des projets forts dans une entreprise publique», explique Rose-Marie Van Lerberghe qui fut directrice de l'AP-HP de 2002 à 2006. Mireille Faugère a la réputation d'une femme de dialogue. Elle aimait à dire : «Quand je travaillais sur le TVG Paris-Strasbourg, je rencontrais les maires des villes traversées. Ils étaient tous pour, à condition que le TGV s'arrête chez eux. L'intérêt collectif n'est pas toujours la somme des intérêts individuels.»
Sans âme.
Elle arrive, en tout cas, à un moment clé dans l'histoire des hôpitaux de Paris, juste après l'adoption du plan stratégique qui prévoit une profonde réorganisation, avec le regroupement de ses 37 établissements en 12 groupes hospitaliers. Cette réorganisation en profondeur doit permettre, selon le jargon officiel, «de mutualiser les moyens humains et matériels». En d'autres termes, faire des économies. Et pour cause... En 2010, le déficit est estimé à 100 millions d'euros. Mais au-delà des questions budgétaires, le défi de la nouvelle directrice est délicat : comment redonner un souffle collectif à ce paquebot hospitalier, totalement déstabilisé depuis quelques années. L'AP-HP a certes une réputation d'excellence, mais elle n'a plus d'âme. Le corps médical est éclaté, profondément atteint par le sentiment qu'il n'a plus les moyens de bien faire son travail, pressuré par les contraintes financières et le poids de l'administration. «J'ai dix réunions par jour», lâche agacé un chef de service. D'autres mettent en cause le fonctionnement en réseaux de pouvoirs qui fossilisent toutes les relations au sein de l'AP-HP.
Depuis plus d'un an, en tout cas, un mouvement de contestation des chefs de service de l'AP-HP a conduit à une menace de démission collective. La semaine prochaine, une assemblée générale doit se tenir pour déterminer s'ils vont mettre ou pas leur menace à exécution. Peu y croient. L'actuel président de la commission médicale d'établissement (CME), qui regroupe tous les médecins de l'AP-HP, le professeur Pierre Coriat, se maintient au prix de contorsions multiples. L'Assemblée générale des médecins devrait demander qu'il démissionne, «comme il l'avait promis»...
Bref, cela tangue de tous côtés. Mireille Faugère arrive les mains vides, sans réseau. Avec un objectif qui lui est fixé : l'équilibre financier en 2012. «L'année 2011 risque d'être délicate», note un ancien directeur d'hôpital. «Clairement, le gros des économies se fera sur les dépenses de personnel, par des non-remplacements de départs.»«Les suppressions de postes vont entraîner une baisse de l'activité et donc alourdir le déficit, note pour sa part Jean-Marie Le Guen, conseiller PS de Paris, et membre du conseil de surveillance. Cela risque de remettre en cause la qualité des soins».
«Absurdité»
Equation budgétaire délicate donc. Mais surtout, la nouvelle directrice devra s'émanciper. Benoît Leclerq, l'actuel directeur général, ressort, en effet, épuisé par ces trois années à ce poste, tant il a été maltraité par le cabinet de Bachelot, mais aussi déstabilisé par l'Elysée, qui un jour exigeait son départ, et le lendemain changeait de stratégie, au gré des humeurs des conseillers. «Il faut qu'elle existe par elle-même», tranche le professeur André Grimaldi, fer de lance de l'opposition aux nouveaux projets. Et il ajoute : «Si j'avais un conseil à lui donner, ce serait d'expliquer d'abord aux autorités de tutelle que traiter tous les hôpitaux de la même façon est absurde. Ensuite, elle a besoin d'avoir en face d'elle une communauté médicale qui agisse enfin démocratiquement : fini les dîners en ville pour régler ses problèmes. Une communauté qui ait les moyens de définir une vraie politique médicale d'ensemble. L'inverse de ce qui a été fait depuis un an.»
Source : Libération
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